« Sous le régime français, les fidèles étaient obligés d’entendre au moins quatre-vingts messes par année. Ils avaient d’autant plus de mérite à se rendre aux offices religieux qu’à cette époque les églises n’étaient pas chauffées en hiver.
« Oui, mesdames, qui êtes frileuses, songez que vos aïeules avaient le courage d’assister à une grand-messe suivie d’un sermon parfois assez long, et aux vêpres, en hiver, dans une église pas chauffée! En effet, ce n’est que vers 1800 qu’on a commencé à installer des poêles dans nos églises de campagne.
« Quand la température était trop froide, on mettait un réchaud sur l’autel pour permettre au prêtre célébrant d’accomplir ses augustes fonctions.
« Le Journal des Jésuites parle à plusieurs reprises de ces réchauds. Il nous mentionne aussi des espèces de chaudières fumantes qu’on installait, à Québec, près du banc du gouverneur. Le vieux récit des Ursulines nous fait part d’une cérémonie de profession religieuse qui eut lieu dans la chapelle en hiver. On avait installé quatre ou cinq de ces chaudières primitives dans le temple, mais elles fumaient tellement que l’officiant, les prêtres dans le chœur, les religieuses et toute la bonne société qui était là éternuaient et pleuraient à qui mieux mieux. Tour à tour, le célébrant, les membres du clergé, etc., furent obligés de sortir de la chapelle pour prendre l’air. Il n’y eut que la bonne religieuse qui faisait profession qui resta à son poste jusqu’à la fin, et elle reçut les félicitations de tous les assistants, après la cérémonie, pour son courage.
« Dans les campagnes, on était plus dur au froid et seul l’autel avait son réchaud.
« Les hommes, pendant la messe ôtaient leurs casques ou leurs tuques et les remplaçaient par des espèces de calottes un peu semblables à celles que portent aujourd’hui nos évêques. Ceux qui avaient perdu leurs cheveux se protégeaient ainsi contre les piqûres du froid. Quant aux dames, elles avaient sur la tête de vastes capelines qu’elles remplissaient avec des coiffes en laine. Ne rions pas des modes de nos aïeules. Elles étaient plus pratiques que nous. Je voudrais bien voir les belles demoiselles d’aujourd’hui rester deux ou trois heures dans une église pas chauffée, en hiver, avec leurs menus chapeaux modernes et leurs bas de soie si légers, si vaporeux qu’il faut presque des lunettes pour les voir.
« Feu Gustave Ouimet racontait une assez singulière histoire qu’il tenait de son père, l’honorable Gédéon Ouimet, qui fut premier ministre de la province de Québec, ayant comme homme fort Louis Archambault (1814-1890), ministre de l’Agriculture et des Travaux publics.
« Alors que M. Ouimet exerçait sa profession d’avocat à Vaudreuil, le curé de la paroisse était M. Roux. L’église de Vaudreuil n’avait pas encore de poêle. Un dimanche d’hiver, par un froid à fendre les pierres, le curé, M. Roux, après avoir entonné le credo au lieu de se rendre de l’autel à son siège comme le veut la rubrique, fila à la sacristie et ne revint qu’à la fin de ce chant. Les paroissiens crurent que leur curé avait été indisposé et, après la messe, quelques-uns d’entre eux allèrent le trouver au presbytère.
« Avez-vous été malade, M. Roux, que vous êtes sorti pendant le credo? »
« Pas du tout, répond le curé, mais j’étais transi de froid. J’ai taillé de la besogne aux chantres et je suis allé me chauffer à la sacristie! »[1].
C’est sous la cure de Paul-Loup Archambault[2], fils de Jean-Baptiste et de Marie-Angélique Achin dit Baron, de 1816 à 1858, que l’église fut chauffée pour la première fois.
[1] . Pierre-Georges Roy, Nos coutumes et traditions françaises, Les Éditions des dix, Montréal, 1939.
[2] . Pierre Archambault, Dictionnaire généalogique des Archambault d’Amérique, vol. 2, p. 31.