Joseph Urgel Archambault

Joseph Urgel Archambault (1872-1941)

Médecin et maire de Hull

Note. Nous remercions l’auteure de ce texte qui nous a si aimablement permis de le reproduire

« […] Joseph Urgel Archambault, fils du Dr Damase Eusèbe et d’Elmire Méthot, n’était pas Hullois, mais Becquetois, puisqu’il naquit à Saint-Pierre-les-Becquets le 22 juin 1872. […]

« Joseph Urgel entra à treize ans au séminaire de Nicolet qu’il fréquenta de 1885 à 1891. Il poursuivit ses études à l’Université Laval qui le reçut docteur en médecine en 1896; il s’établit à Hull en septembre de la même année. […]

« À son arrivée à Hull, le médecin-chirurgien de 24 ans s’occupa d’abord de sa carrière. Il ouvrit un cabinet rue Leduc, […] mais en fut délogé par le « Grand Feu » de 1900. Il déménagea alors rue Charles (Frontenac) jusqu’à ce qu’il fasse construire en 1905 une superbe demeure avec cabinet attenant, située rue Principale (du Portage). […]

« Époque révolue que celle des visites à domicile en voiture attelée ! Le docteur Archambault avait un cheval, « Jos », qu’il garda jusqu’en 1922, même s’il fit l’acquisition d’une automobile en 1920. Il garda alors l’animal en pâturage rue Courcelette, puis rue Wright, enfin au lac Leamy où la famille le visitait le dimanche.

« Pas de réceptionniste ni de rendez-vous chez le médecin d’alors ; la bonne ou les enfants accueillaient les patients ou prenaient les appels, le plus souvent des demandes de conseils pour quelque maladie. Pas de « carte soleil » non plus à cette époque. Le docteur tenait lui-même sa comptabilité et n’envoyait pas de comptes, se fiant à l’honnêteté des gens : « S’ils ne viennent pas payer, disait-il souvent, c’est qu’ils ne peuvent pas. » À sa mort, la famille trouva des pages pleines de comptes impayés.

« En plus de son travail quotidien, il était membre de nombreuses associations professionnelles. Dès la fondation de l’Association médicale du comté de Hull, en juin 1901, il compta parmi les administrateurs. En 1922, il fut gouverneur du Collège des médecins et chirurgiens de la Province de Québec pour le district no 13 ; il fut aussi médecin chef de l’Union Saint-Joseph du Canada et président local de cette société pendant 14 ans, président de l’Association médicale du district de Hull, président du Congrès sanitaire de la Province de Québec en 1919-1921 et médecin examinateur de l’Alliance nationale et de plusieurs sociétés et compagnies d’assurances.

« Médecin et homme d’affaires, le docteur Archambault était propriétaire de la pharmacie Hull Medical Hall. […]

« Tout en se constituant une clientèle, le jeune homme dut songer à fonder un foyer. Le 23 août 1898, il épousa à Joliette Marie-Rose Olivier, fille du juge L.-A. Olivier, ex-sénateur de la division de Lanaudière. Le couple eut sept enfants dont quatre moururent en bas âge. L’aîné, Olivier, né le 18 juillet 1902, retourna au berceau familial de Saint-Pierre-les-Becquets en 1927. […] Térèse, Marie Thérèse Rose Elmire, (grande admiratrice de Térèse d’Avila, elle insistait sur cette graphie), née le 29 avril 1904, s’illustra comme la première femme laïque en Amérique du Nord à obtenir un doctorat en philosophie scholastique ; elle fut également boursière de la Province de Québec et étudia à l’École catholique de Bruxelles et à Paris. Enfin, Marguerite, née le 17 décembre 1911, épousa Paul Ardouin.

« Devenu veuf en 1925, le docteur se remaria avec Mlle Albina Massé, sœur de la belle-mère de sa fille Marguerite. Le père devenait l’oncle de sa fille ! Le couple quitta la région de 1930 à 1935, puis revint à Hull et le docteur acheta la maison où il acheva sa vie au 17, rue Nicolet […]. C’est là qu’il mourut, à 69 ans, le 12 septembre 1941, après trois ans d’une pénible maladie.

« D’un caractère gai, cet homme doux et calme, passionné de lecture possédait une importante bibliothèque et lisait de tout, sans avoir d’auteur préféré ; il collectionnait aussi les journaux, dont Le Devoir. […]; il ne dédaignait pas une partie de bridge, de whist ou de 500. Il aimait voyager et assistait régulièrement aux congrès des médecins et à ceux des municipalités. […]

« Médecin et homme d’affaires, disions-nous ? Ce trait se retrouve encore dans l’achat de terrains qu’il fit sur le chemin de la Montagne (boulevard Gamelin) avec ses partenaires […] regroupés sous le nom de Compagnie d’amusement. Sur ces terrains alors boisés et ombragés nichaient quelques chalets d’été. L’actuelle rue des Oliviers tire son nom de cette transaction du début du siècle et devrait en réalité s’appeler Olivier, du nom de la famille de Mme Archambault.

« Fils de maire –– son père Damase Eusèbe fut maire de Saint-Pierre-les-Becquets de 1876 à 1890 ––, petit-fils par sa mère du député de Nicolet Antoine Prosper Méthot, et gendre du sénateur L. A. Olivier qui représenta la division de Lanaudière, il aurait été bien étonnant qu’Urgel Archambault ne tâte pas à son tour de cette drogue qu’est la politique, surtout sur une scène aussi vaste que la troisième ville du Québec. Après avoir assuré son assise familiale et professionnelle, le jeune médecin de 33 ans poursuivit la tradition. « Sa carrière politique s’étendit sur près de 25 ans. Il siégea d’abord comme échevin […] de 1905 à 1909. Il quitta brièvement la scène municipale pour devenir président de la Chambre de commerce en 1910. […] « En 1911, Le Spectateur, journal des libéraux, accueillit mal sa rentrée politique. Lorsque le docteur annonça sa candidature à la mairie que l’on croyait réservée aux entrepreneurs Bourque et Dupuis, le journal la qualifia [d’] œuvre d’un tireur de ficelles du parti conservateur… M. le Dr Aubry ». Surprise plus grande encore : il l’emporta contre Bourque, par une majorité de 632 voix, majorité sans précédent dans les annales municipales. On attribua son succès à l’appui de M. Dupuis « qui ayant eu des velléités pour la mairie fit la lutte pour M. Archambault » et à la (faveur) que lui ont témoignée quelques membres du clergé ».

« Les deux années suivantes, son allié de la veille lui fit connaître l’amertume de la défaite. Hormidas Dupuis fut élu maire en 1912 et 1913 avec des majorités de 394 et 577 voix. Ces échecs successifs incitèrent Archambault à attendre son heure, et l’élection de 1914 ne le vit pas candidat. Il tenta un retour en 1915, mais cette fois Bourque, son adversaire de 1911, l’emporta par 108 voix.

« Les électeurs de 1916 récompensèrent sa ténacité et l’élurent maire à l’unanimité. Il se fit à cette occasion le champion de l’Association ouvrière, qui remporta une grande victoire en faisant élire tous ses candidats.»

« La population lui accorda un troisième mandat en 1918. Cette élection fort animée, qu’on pourrait appeler «l’élection du whisky », mit aux prises les partisans de la prohibition et les antiprohibitionnistes. Le référendum sur la prohibition ayant eu lieu au printemps de 1917, il restait à l’administration suivante, qui devait être élue en janvier 1918, à mettre en application la sobre décision des Hullois. Fort de l’appui du journal Le Droit pour qui il fallait « purger la ville du démon alcool » et de celui du curé Bernier qui en chaire décrivit le candidat souhaitable, Archambault triompha aisément par 415 voix sur l’avocat Louis Cousineau.

« Élu maire pour deux ans, il ne se représenta plus qu’en 1928, alors que Théodore Lambert l’écrasa par 1 387 voix ; ce fut la fin de sa carrière politique. […]

« Ses plus grandes réalisations s’accomplirent durant son bloc de quatre ans à la mairie, de 1916 à 1920. S’il put s’enorgueillir de présider la campagne de souscription des emprunts de la Victoire dans le district de Hull, et d’être l’hôte du prince de Galles en septembre 1919 et du gouverneur-général, le duc de Devonshire, le maire Archambault laissera surtout sa marque comme celui que a le plus francisé  Hull.

« Depuis 1909, la Chambre de commerce encourageait le conseil municipal à réviser le nom des rues qui portaient encore des noms anglais. […] Le conseil municipal créa en 1911 un comité spécial chargé de réviser le nom des rues. Le Dr Archambault y fut délégué par la Chambre de commerce. Le comité recommanda dans son rapport de juillet 1911 de changer le nom de 45 rues, dont 10 dès l’année 1912. Le changement devait se faire graduellement;  pourtant ce ne fut que quatre ans plus tard, une fois qu’il fut revenu à la mairie, qu’un nouveau comité changea le nom de 69 rues, leur donnant des noms « historiques propres à commémorer les grands noms et les grands faits de notre histoire pendant les Régimes français et anglais. »

« L’intérêt particulier que manifesta le maire pour cette cause est évident. Le sachant responsable du choix de Olivier pour la rue croisant celle qui porte son nom, nous sommes portés à nous demander si les rues de Lanaudière dans Val-Tétreau, nom de la division dont fut sénateur son beau-père, et Nicolet dans Wrightville, nom du comté que représenta son grand-père au parlement, ne lui doivent pas aussi leur nom.

[…]

« L’appui que lui avait fourni l’Association ouvrière en 1916 trouve son écho dans les démarches qu’il tenta en mars 1919 auprès du gouvernement provincial pour la construction de l’École technique. Signe de la ténacité du maire, ces démarches suivirent celles entreprises en juin 1916 avec le porte-parole de l’Association ouvrière, Achille Morin. Elles aboutirent finalement à la création de l’école en 1924, alors que Hull voyait déjà, ironiquement, sa vocation industrielle décliner. Les Hullois lui doivent donc la création de l’École technique qui, si elle ne s’accomplit pas sous son mandat, est le résultat de ses efforts et de ceux d’Achille Morin. […]

« S’il n’a que partiellement soulevé le voile sur le personnage d’Archambault, cet article, espérons-le, en suscitera d’autres plus approfondis sur l’histoire régionale. À tout le moins, les Hullois sauront maintenant à qui la rue Archambault doit son nom ».

Denise Latrémouille

Extraits de la revue Asticou, cahier no 29, décembre 1983, p. 3-9. Texte revu et corrigé par l’auteure en novembre 2007.