« Le 15 février 1688 a été enterré Jacques Archambault âgé de 84 ans dans le cimetière, après avoir reçu tous les sacrements. E. Guyotte, curé. » Telle est l’inscription laconique qu’on peut lire aux registres de la paroisse Notre-Dame de Montréal. « Dans le cimetière… » Quel cimetière et où se trouvait-il ? Car de 1643 à 1688, soit sur 45 ans, on a enregistré l’existence successive de cinq cimetières[1]!
Le premier, établi devant l’enceinte du fort, se trouvait à l’extrémité de la pointe formée par le Saint-Laurent et la petite rivière Saint-Pierre, où se trouve la reproduction du puits creusé en 1658 par notre ancêtre.
Puis la crue du fleuve inondant les lieux chaque printemps, il fallut songer à enterrer ailleurs. En 1654, on aménage le cimetière dans les jardins de l’Hôtel-Dieu, angle des rues Saint-Paul et Saint-Joseph (aujourd’hui nord-est des rues Saint-Paul et Saint-Sulpice). Du reste, la chapelle de l’hôpital servait à ce moment d’église paroissiale.
Sans doute devenus trop exigus, les jardins de l’Hôtel-Dieu furent délaissés comme cimetière, car, à une date difficile à fixer – sûrement avant 1673 –, on ouvrit un troisième cimetière de 26 toises sur 15, rue Saint-Paul, entre les terres de Robert Cavalier, d’Aubuchon et de Boucher. En 1674, on fit une souscription publique pour clôturer l’endroit afin d’empêcher les bêtes errantes d’y pénétrer.
Pourtant, jugé malsain, comme le premier et pour les mêmes raisons, on le vendit pour 950 livres, le 27 février 1683, à Charles Couagne, au profit de l’église de la place d’Armes, mise en chantier en 1672 et qui n’était pas encore achevée. C’est celle-là qui, démolie en 1830, céda la place à l’actuelle basilique Notre-Dame.
[1] . Notes extraites d’un ouvrage de Mgr Olivier Maureault intitulé La Paroisse, publié en 1957. Sources : archives de Notre-Dame
Puis, toujours en proie à leur frénésie des nécropoles, les « Montréalistes » voulurent encore remplacer ce cimetière. C’est ainsi qu’on acquit la terre de Jean Desroches située, semble-t-il, derrière et au sud de la nouvelle église paroissiale, le long de la rue Saint-Joseph, aujourd’hui Saint-Sulpice. D’ailleurs, on y enterrait déjà depuis 1680.
Cependant – et c’est là que blesse le bât –, en même temps que ce cimetière-là, il en existait un autre qui, depuis 1685, figurait sur les plans de la ville. Il occupait l’angle nord-ouest des rues Saint-Laurent et Saint-François-Xavier, à côté de la porte d’où partait le chemin de la Montagne.
Quoi qu’il en soit, il ressort de cette petite recherche que le véritable emplacement du cimetière où l’on porta en terre le corps de Jacques, en ce petit matin frileux du 15 février 1688, restera obscur. Il n’empêche qu’on se demande pourquoi, alors qu’ils disposaient de tout l’espace nécessaire dans l’île, nos ancêtres « Montréalistes » ne choisirent pas un vrai terrain pour y ensevelir leurs morts pendant au moins 100 ans. Cinq cimetières en 45 ans !
Et ce n’est pas tout. Aux fins de notre sujet, nous ne nous sommes intéressés qu’à ceux qu’on ouvrit jusqu’en 1688. Mais il y en eut encore au moins six jusqu’en 1855, date à laquelle la fabrique de Notre-Dame inaugura le nouveau cimetière de la Côte-des-Neiges.
Étienne Guyotte, prêtre de Saint-Sulpice, curé de Ville-Marie, signa l’acte de sépulture de Jacques Archambault, le 15 février 1688. « J’aurais aimé comme vous avoir plus qu’une signature pour un ancêtre de cette qualité. Françoise Tourault et Jacques Archambault vivent toujours parmi nous, à cause de leur descendance nombreuse comme les étoiles du ciel ».
(Gérard Lebel, C.SS.R. Nos ancêtres, vol. 19.)
Avant sa mort et après avoir vécu environ 42 ans en Nouvelle-France, l’ancêtre Jacques Archambault a pu connaître 52 petits-enfants et 12 arrière-petits-enfants. En 1688, la population de Ville-Marie était de près de 800 personnes, environ une personne sur 15 était un descendant de l’ancêtre.