La grande recrue de 1653

Il y a environ 350 ans, La Grande Recrue de 1653

Le recrutement

Neuf ans après sa fondation, Ville-Marie vit toujours sous la menace iroquoise. C’est pourquoi en 1651 — année de la mort tragique de Denys Archambault, fils aîné de l’ancêtre Jacques —, le fondateur, M. de Maisonneuve, à l’instigation de Jeanne Mance, regagne la France pour demander du renfort. Les recruteurs recherchent des hommes jeunes, vigoureux et audacieux, exerçant divers métiers et capables de défendre la colonie naissante.

Après deux années de recrutement, 154 hommes signèrent des contrats d’une durée de cinq ans. Seuls 120 se présentèrent au départ de Saint-Nazaire (Bretagne) et embarquèrent sur le Saint-Nicolas. À bord se trouvaient Marguerite Bourgeoys et 15 filles à marier. Parmi les futurs colons, on remarque la présence de deux recrues qui deviendront des gendres de l’ancêtre. Le premier, Jean Gervaise, boulanger défricheur, est considéré comme l’une des plus belles figures et l’une des plus authentiques valeurs humaines de la grande recrue. En signant son engagement, Gervaise demande une avance de 120 livres sur son salaire annuel de 80 livres. Le second est Gilles Lauzon, maître chaudronnier, engagé au salaire de 85 livres par année. Lauzon a la réputation d’être un brave travailleur et honnête homme.

Église Saint-Nazaire
Église Saint-Nazaire

C’est dans cette église que se sont agenouillés Marguerite Bourgeoys, M. de Maisonneuve et la plupart des membres de la recrue avant le grand départ

La traversée

Église

Le départ de Saint-Nazaire eut lieu le 20 juin 1653. C’était le début d’une rude et tragique traversée. À peine en mer, on s’aperçut en effet que le Saint-Nicolas n’était qu’un vieux rafiot pourri qui faisait eau de toutes parts. Les passagers n’avaient de cesse d’écoper, d’étancher. En dépit des efforts surhumains des engagés, les vivres vinrent à se dégrader, si bien qu’on décida de rebrousser chemin.

Marguerite Bourgeoys écrit à ce propos : « j’étais fort en peine de nous voir dans ce danger… Nos gens étaient mal préparés pour mourir… Monsieur de Maisonneuve fit mettre tous ses soldats dans une île d’où l’on ne pouvait s’échapper, car autrement il n’en serait pas demeuré un seul. Il y en eut même qui se jetèrent à la nage pour se sauver.

Ils étaient devenus comme furieux et croyaient qu’on les menait à la perdition. Il fallut bien du temps pour trouver et préparer un autre navire et pourvoir aux autres besoins, en sorte qu’on ne fit voile que le 20 juillet 1653, après avoir entendu la sainte messe.»

Le faux départ et les avaries ayant abattu le moral des passagers, une grave épidémie se déclara à bord. Il y eut un grand nombre de malades, dont huit moururent.

 

Le 22 septembre 1653, de Maisonneuve débarquait à Québec avec une centaine de recrues, artisans et colons, tous habiles au maniement des armes.  

L’arrivée

L’arrivée du navire rempli de malades, retardée de 40 jours, suscita les plus vives angoisses. « Nous arrivâmes le jour de Saint-Maurice (le 22 septembre), écrit la sœur Bourgeoys, mais on ne prit point garde à une arête qui s’enfonça tellement dans le navire en arrivant devant Québec que les grandes marées ne purent le relever et qu’il fallut le brûler sur place. »

Jeanne Mance, fondatrice du premier hôpital de Ville-Marie (l’Hôtel-Dieu) accueillit avec jubilation les colons de la grande recrue, en compagnie de nombreux habitants de Québec. On doit rappeler ici que Mlle Mance sera dans quelques années la marraine de l’enfant de Marie Archambault, fille de notre ancêtre, âgée de 12 ans lorsqu’elle épouse Gilles Lauzon, le 27 novembre 1656.

Le 3 février 1654, Jean Gervaise épouse Anne Archambault âgée d’environ 23 ans, autre fille de notre ancêtre, qui jouit d’une grande estime dans la petite population de Ville-Marie.

Éprouvée par son premier mariage avec le bigame Michel Chauvin, dont elle a eu un garçon Paul né et décédé en 1650 et une fille Charlotte, elle trouvera paix et réconfort auprès de Gervaise et aussi de M. de Maisonneuve et de la sœur Bourgeoys qui ont offert d’être parrain et marraine de l’enfant. C’est Anne Archambault que Jean Gervaise choisit à peine cinq mois après son arrivée, même s’il ne devait pas manquer de jolis sujets à bord, parmi les 15 filles à marier. Gervaise fut l’un des premiers de la grande recrue à contracter mariage.

Dans sa préface de l’ouvrage de Roland J. Auger, La Grande Recrue de 1653, le père Joseph Papin Archambault écrit : « … nos ancêtres ont vécu une existence droite et saine (…) nous devons les estimer. Ces hommes n’ont-ils pas sauvé Montréal et par là, le Canada tout entier ? Ils savaient à quelle existence périlleuse ils allaient se vouer. Aussi, au moment du départ, plusieurs de leurs compagnons faillirent et les abandonnèrent. Les cent qui restèrent se raidirent dans une résolution héroïque, entraînés par le zèle ardent du gouvernement, M. de Maisonneuve, et la douceur conquérante de Marguerite Bourgeoys (…) plus que jamais notre jeunesse a besoin de modèles de cette trempe. Car pour elle aussi, si l’idéal des fondateurs de Ville-Marie ne lui est pas indifférent, une existence combative s’impose. »

L’arrivée de l’ancêtre

La date de l’arrivée de l’ancêtre Archambault en Nouvelle-France demeure hypothétique. Cependant il est fort probable qu’il ait passé l’Atlantique avec toute sa famille vers 1645. Il fut en effet recruté par Pierre Le Gardeur de Repentigny, qui était directeur des embarquements en 1645 et 1646. Il était lui-même commandant d’un navire baptisé Le Cardinal.

À cette époque de l’émigration dans la colonie du Saint-Laurent, les engagés étaient pour la plupart de jeunes célibataires qui signaient un contrat de travail d’une durée de 36 mois, à l’échéance duquel ils décidaient de rester ou de rentrer. Ces jeunes trimaient dur pour acquérir une terre, bâtir une maison et ultimement fonder une famille.