Jacques Archambault premier puisatier de Ville-Marie

Maison de l’ancêtre Jacques Archambault à Saint-Xandre, en France

Maison natale de l’ancêtre Jacques Archambault (1604-1688) à Saint-Xandre, France

« C’est quand le puits se tarit que nous nous rendons compte de la valeur de l’eau ». 

Benjamin Franklin. 

Jacques Archambault

Premier puisatier de Ville-Marie

Fils d’Antoine et de Renée Ouvrard, Jacques Archambault naît en 1604 à L’Ardillière, lieu-dit aujourd’hui rattaché à la commune de Saint-Xandre, près de La Rochelle (Charente-Maritime).  

Au XVIIsiècle, les cérémonies du culte, les baptêmes, les mariages, les obsèques étaient célébrés à Dompierre-en-Aunis (aujourd’hui Dompierre-sur-Mer), dont relevait L’Ardillière sur le plan du rituel. 

Vers 1629 Jacques Archambault épouse Françoise Toureau qui, de 1630 à 1644, lui donne sept enfants, deux fils et cinq filles, dont l’une meurt en bas âge, en France. 

Laboureur et vigneron, l’ancêtre vit des revenus de la terre et de la vigne. Des chercheurs ont en effet retrouvé en France l’existence d’un contrat de vente, daté du 15 août 1637, de trois tonneaux de vin blanc à Hiérôme Bonnevye, marchand de La Rochelle. Ce détail tend à confirmer le fait que Jacques Archambault vit des produits de la terre. 

Jacques Archambault à Québec

Probablement recruté par Pierre Le Gardeur de Repentigny, directeur des embarquements à La Rochelle de 1645 à 1647 et lui-même commandant d’un navire baptisé Le Cardinal, Jacques Archambault traversa l’Atlantique en 1645 ou 1646 avec femme et enfants. L’émigration d’une famille entière est assez exceptionnelle à l’époque, mais on en ignore les motifs. Est-il déraisonnable de soupçonner quelque raison d’ordre politique ou religieux ? Imaginons seulement qu’une quinzaine d’années plus tôt Richelieu, premier ministre de Louis XIII, avait soumis les huguenots de La Rochelle par le siège de 1628-1629 et que les tensions durent subsister dans les campagnes environnantes pendant encore un certain temps. 

Quoi qu’il en soit, à son arrivée à Québec, Jacques est chargé par Le Gardeur de Repentigny de l’exploitation de sa ferme dès le 16 octobre 1647. Cette terre, transposée sur le plan des rues actuelles de la ville haute de Québec, suivrait en gros le tracé de la Grande-Allée, de la rue Salaberry, le coteau au nord-ouest, une ligne imaginaire parallèle à la rue Claire-Fontaine, les rues Sutherland et Deligny. 

Le bail de cet affermage fournissait à la famille Archambault un logis, deux bœufs, deux vaches, une génisse et des porcs. 

C’est à Québec que Jacques Archambault maria trois de ses filles. D’abord Anne, le 29 juillet 1647, à Michel Chauvin, de Sainte-Suzanne dans le Maine. Elle a 15 ou 16 ans. Convaincu de bigamie Chauvin est contraint de rentrer en France en catimini. L’année suivante, le 28 septembre 1648, le même jour, Marie, âgée de 10 ou 11 ans, épousa Urbain Tessier, dit Lavigne, de Château-en-Anjou, près de Tours, et Jacquette prit pour mari Paul Chalifou, de Périgny, en Aunis. Elle est âgée de 14 ou 15 ans. C’est la seule de la famille qui fera souche à Québec. 

Deux ans après la mort de Repentigny, le gouverneur de la Nouvelle-France, Louis d’Ailleboust, concéda à Jacques Archambault, le 15 septembre 1651, une terre à Cap-Rouge, qu’il exploita sous la menace iroquoise. 

Jacques Archambault à Montréal

Un besoin urgent se faisant sentir à Ville-Marie, Jacques Archambault fut instamment prié de dire adieu à Québec. Le colon accepta donc, le 15 février 1654, l’offre de M. de Maisonneuve d’une gratification de 500 livres contre la promesse de se fixer à Montréal. On lui avait concédé le 18 septembre 1651, trois jours après celle de Cap-Rouge, une terre à Montréal (à la campagne) et un lot à la ville, le 18 novembre 1652. La terre était de 2 arpents sur 15 et sur le plan des rues actuelles du Vieux-Montréal elle occupait l’espace délimité par la rue Saint-Jacques au sud jusqu’à la rue Ontario au nord. Vers l’est, elle longeait la rue Saint-Laurent et vers l’ouest, elle se terminait un peu à l’est de la place d’Armes et plus au nord, un peu à l’est de la rue Saint-Urbain. Le lot de ville, attenant à la terre, s’étendait de la rue Saint-Jacques vers la rue Notre-Dame mais sans l’atteindre. Ce lot mesurait 2 arpents en largeur sur 1 arpent. 

Terres des Archambault et de leurs enfants et gendres.
Terres des Archambault et de leurs enfants et gendres. Données ajoutées sur un plan produit en 1997 pour Pointe-à-Callières, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal. Gilles Lauzon, Septembre 2004.

Le Maître Puisatier

Jacques Archambault puisatier
Dessin de Pierre Archambault, archiviste de l’Association des Archambault d’Amérque, inspiré d’un dessin de Franklin Arbuckle (1909-2001), pour la Brasserie Labatt.

Dans les années 1650, les « Montréalistes » s’attendaient à voir se former une coalition des nations iroquoises pour fondre sur Ville-Marie. Aussi le gouverneur de Maisonneuve prenait-il toutes les mesures pour mettre sur pied une vigoureuse opposition à leurs attaques appréhendées.

Or, construit en bois à l’extrémité d’une pointe formée par le confluent de la petite rivière Saint-Pierre et du Saint-Laurent – que nous appelons aujourd’hui Pointe-à-Callière –, le petit établissement primitif de Ville-Marie était en effet exposé aux attaques des « sauvages ». 

C’est dans ce contexte dangereux que M. de Maisonneuve fit construire par Jacques Archambault un puits de cinq pieds de diamètre (1,52 m), « sur la place d’armes du fort ». Il garantit au moins deux pieds (60 cm) d’eau stable dans le fond du puits. Le contrat signé devant le notaire Bénigne Basset le 11 octobre 1658 stipulait que le puisatier toucherait pour son travail 300 livres et 10 pots d’eau-de-vie. 

Ce fut le premier puits construit dans l’île de Montréal. 

Premier Hôpital de Ville-Marie
Le premier hôpital, construit en 1645 à quelques perches du fort. Dessin de l’historien-architecte Aristide Beaugrand-Champagne d’après des documents anciens.

Certainement doué comme puisatier, Jacques acquit dès lors la réputation de sourcier, sinon de sorcier ! Car le printemps suivant, le 8 juin 1659, ce fut monsieur Gabriel de Queylus, sulpicien et fondateur du séminaire de Saint-Sulpice à Montréal, qui demanda au colon Archambault de creuser un puits « …dans le jardin de l’hôpital… »  

Comme un véritable sourcier, celui-ci garantit « deux pieds d’eau stable au moins… au devant du fil d’eau ». Ici encore, l’ouvrier reçut 300 livres et 10 pots d’eau-de-vie, en échange de l’eau de source.  

Le 16 mai 1660, Jacques Leber, Charles Lemoyne et Jacques Testard à leur tour demandèrent à l’ancêtre de leur construire un puits du même genre que ceux qu’il avait creusés pour l’utilité de la commune. 

La profondeur en sera de 15 à 18 pieds (5 à 6 m), et l’ouvrier recevra pour sa peine toujours 300 livres et 10 pots d’eau-de-vie. Cependant Testard mit 16 ans à s’acquitter de sa quote-part de 100 livres et 3⅓ pots d’eau-de-vie. La patience de Jacques !… 

Le 16 novembre 1664, ce fut Claude Robutel qui offrit à l’ancêtre 150 livres pour creuser un puits. Le 11 juillet 1668, le chirurgien Étienne Bouchard lui en commande un pour la somme de 250 livres. 

Voilà donc au moins cinq ouvrages ayant fait l’objet de contrats notariés, que Jacques construisit entre 1658 et 1668. Il en creusa sans doute d’autres, car on présume que les colons ne pouvaient se passer d’une alimentation en eau potable. Le puits foré à proximité et parfois dans la cave de la maison, conçue comme une forteresse domestique et construite de façon à soutenir un siège. Le colon bâtissait son habitation, mais la construction du puits était confiée à un puisatier reconnu. Ce qui était le cas de Jacques Archambault à Ville-Marie. 

Entre-temps, un certain nombre d’événements ponctuèrent la vie laborieuse de la famille Archambault : 

Le 26 juillet 1651, le fils aîné Denys meurt à 20 ans dans l’explosion d’un canon pendant un combat à l’hôpital contre une horde de 200 Iroquois. 

Le 3 février 1654, Anne trompée par son premier mari bigame, Michel Chauvin, se remarie avec Jean Gervaise, maître boulanger. Le couple aura 9 enfants.  

 Le 30 mars 1655, Jacques est au nombre des colons qui retiennent par contrat les services du chirurgien Étienne Bouchard. Celui-ci s’engage à soigner de toutes sortes de maladies, sauf de la peste, les signataires et leur famille, moyennant une cotisation annuelle de cinq livres ou 100 sols. 

Le 27 novembre 1656, le chaudronnier Gilles Lauzon, de Caen, épouse à Montréal une autre fille de Jacques, prénommée Marie, âgée de 10 ou 11 ans, qu’il faut se garder de confondre avec sa sœur du même prénom qui, elle, a épousé Urbain Tessier, dit Lavigne. La relative rareté de son nom dans les archives tient au fait que, morte avant son mari à l’âge de 41 ans, elle n’a pas dû comme ses sœurs s’occuper de questions de succession. 

Le 7 janvier 1660, le second fils, Laurent, se marie à Montréal avec Catherine Marchand, jeune orpheline du faubourg Saint-Germain, à Paris. Le couple aura 12 enfants, six fils et six filles. 

Le 9 décembre 1663, c’est le corps de la vaillante épouse, Françoise Toureau, qu’on porte en terre. Elle a 64 ans. Dès le 15 décembre, en présence de son gendre Jean Gervaise, Jacques loue sa ferme à Pierre Dardenne pour trois ans. 

Le 6 juin 1666, Jacques signe à Trois-Rivières un contrat par lequel il se remarie avec Marie Denot de la Martinière, elle-même trois fois veuve : d’Étienne Vien, de Marennes, de Mathieu Labat, dit Fontarabie, ancêtre des brasseurs Labatt, et de Louis Ozanne, dit La Fronde. 

En 1678, âgé de 74 ans, Jacques est devenu incapable de travailler. C’est pourquoi ses enfants et leur conjoint promettent de lui verser chaque année comme rente viagère la somme de 100 livres ; ils le laissent libre d’aller vivre où il le désire. Le notaire Basset précise dans l’acte qui motive le geste : c’est « pour l’amitié naturelle qu’ils lui portent comme ils l’ont toujours fait… » 

Le 15 février 1688, après 84 ans d’une vie active, dont plus de la moitié passée en Nouvelle-France, Jacques Archambault est inhumé dans le cimetière Notre-Dame de Montréal. 

Registre Inhumation de l'ancêtre.
Extrait du registre des sépultures de Notre-Dame de Montréal, le 15 février 1688.

Le premier puits notarié de Ville-Marie et creusé par Jacques Archambault


 

Premier puits creusé en 1658

par l’ancêtre Jacques Archambault

Dessin du puits creusé par l'ancêtre.
Dessin de Pierre Archambault, archiviste de l’association des Archambault d’Amérique, d’après les dimensions précisées au contrat conservé à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) à Montréal.

Le premier puits de Montréal, retrouvé

Emplacement du puits.
Le plan Bourdon, détail du fort Ville-Marie. Ce dessin a été retrouvé en 1956 sur le marché des livres rares de New York.
C’est d’après un document ancien trouvé à New York en 1956, « le plan de Bourdon », que les archéologues ont entrepris en 2002 de fouiller le sol de la Pointe-à-Callière, formée par le confluent du Saint-Laurent et de la rivière Saint-Pierre, dans le Vieux-Montréal. Cette rivière Saint-Pierre fait aujourd’hui partie intégrante du réseau d’aqueduc et d’égout de la ville. Or, c’est sur cette pointe de terre qu’on a récemment mis au jour l’emplacement du fort de Ville-Marie et du puits creusé en 1658, par l’ancêtre Jacques Archambault.

Premier établissement construit en 1642 par la cinquantaine de colons qui venaient de débarquer dans l’île sous la direction de Paul de Chomedey de Maisonneuve, ce fort est démoli en 1683. On savait, sans avoir jamais pu le vérifier, que le fort comprenait une série de logements communs, la maison du gouverneur de Maisonneuve et, au centre, un puits, le tout entouré d’une palissade.

Bâtiment situé au 211, rue de La Commune Ouest, et ayant comme adresse principale à l’arrière le 214, place D’Youville.

 

 

 

 

 

Les vestiges du Montréal naissant dorment donc depuis trois siècles dans le sous-sol d’un hangar banal, au 214, place D’Youville, acquis il y a quelques années par le Musée d’archéologie de Montréal, situé à proximité. C’est du reste à côté du musée que les Archambault d’Amérique ont fait construire en 1984 un puits en guise de rappel de celui de l’ancêtre Jacques.

Rapport annuel 2004 de la Société Pointe-à-Callière

L’École de fouilles archéologiques de Pointe-à-Callière : un autre été fructueux.

Dans le cadre de la troisième campagne de fouilles menée au lieu de fondation de Montréal, l’École de fouilles archéologiques mise sur pied par Pointe-à-Callière en collaboration avec l’Université de Montréal a accueilli de nouveau plusieurs stagiaires en archéologie au site du 214, place D’Youville.

La saison était très attendue, les travaux visant cette fois les niveaux profonds de plus de 2,5 mètres, associés, à l’époque du fort de Ville-Marie. L’attente n’a pas été déçue. La portion nord de l’aire fouillée a révélé un creusement rectangulaire de 2 mètres sur 6, sans doute le vide sanitaire d’un grand bâtiment. Plus au sud, un ensemble dense de vestiges a été mis au jour : une fosse à latrines, adossée au bâtiment, une fosse circulaire profonde de 20 centimètres, comme un bassin d’eau ou de compost, et une troisième fosse, rectangulaire, combinée de terre très organique dans laquelle une multitude de graines de framboises entourant une jatte verte glaçurée. Ces fosses ponctuaient une petite cour intérieure, jonchée de restes de repas (ossements d’animaux domestiques et sauvages)  eux-mêmes recouverts de cendre mélangées à des écailles – peut-être la vidange d’un baril dans lequel on faisait du savon à base d’huile de poisson.

Bâtiment et jardin fermé pourraient être associés à un édifice construit en 1643 dans l’enceinte du fort et habité pendant 30 ans par son propriétaire, ce serait le manoir Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, fondateur et gouverneur de Montréal.
La fin de la saison a d’ailleurs été marquée par la fascinante découverte, au sud du jardin, d’une fosse s’enfonçant profondément dans le sol naturel, et où des vestiges de bois imprégnés d’oxyde de fer laissent supposer un coffrage de forme circulaire. Il pourrait s’agir du puits commandé en 1658 par le sieur de Maisonneuve Jacques Archambault pour son manoir seigneurial.
Les fouilles de la fosse se sont arrêtées à 5 mètres sous le niveau du sol actuel et à un mètre de la nappe phréatique, sans encore atteindre le fond du puits et le dé dépôt d’objets qu’on espère retrouver. Selon toute vraisemblance, les fouilles à venir ainsi au coeur du fort de Ville-Marie réservent d’autres découvertes majeures sur cette période mal connue des débuts de Montréal.

« En 2004, les fouilles ont enfin mené à la découverte d’un puits que l’on associe à un acte notarié de 1658 officialisant le creusement d’un tel ouvrage dans le fort. »

Photo 1
Photo 1
Photo 2
Photo 2 – Photos 1 et 2, gracieusement offertes par M. Alain Vandal, archéologue de Pointe-à-Callière.

« En 2005, de nouvelles découvertes et leur mise en relation avec celles des années antérieures autorisent enfin les archéologues à conclure qu’ils sont véritablement en présence du fort de Ville-Marie et sont en mesure d’émettre une hypothèse de localisation des fouilles dans la portion nord-est du fort. »

« En 2006 les étudiants et les archéologues ont découvert un plus grand nombre d’artéfacts que par les années passées (ossements d’animaux, objets en terre cuite, pièce de faïence de grès etc.) en plus de la mise à jour d’un mur de maçonnerie ».
La reproduction du puits à la Pointe-à-Callière se trouve à quelques pas au nord de l’original creusé par l’ancêtre des Archambault.
La découverte de ces vestiges représente un enrichissement majeur pour le patrimoine historique des Montréalais.