Couverture d’un pamphlet épicé attribué à Charles Chiniquy, et publié par lui, sous le titre : Les épouvantables révélations de Maria Monk.
L’intendant Jean Talon avait recommandé au comité recruteur des Filles du roi que les demoiselles soient dignes, de bonnes mœurs, robustes, intelligentes et belles. Le climat de la Nouvelle-France, plus rude que celui auquel elles sont habituées, les force à adopter une attitude différente, ce qui distingue de plus en plus la femme canadienne de la Française.
La relation de 1642 cite : « Des filles tendres et délicates, qui craignent un brin de neige en France, ne s’étonnent pas ici d’en voir des montagnes. […] Un frimas les enrhumait en leurs maisons bien fermées, et un gros et grand et bien long hiver, armé de neiges et de glaces depuis les pieds jusqu’à la tête, ne leur fait quasi autre mal que de les tenir en bon appétit. »
Nos hivers rigoureux et longs font en sorte qu’elles semblent paresseuses. Denonville mentionne dans une lettre adressée au Roi, le 6 novembre 1687 : « La plupart des femmes de ce pays sont fort fainéantes et toutes demoiselles. Il faut du temps pour venir à bout de tout cela. » Il y a exagération, car les travaux domestiques et l’éducation des enfants les occupent toute la journée.
Il n’est pas rare qu’elles se marient à l’âge de 12 ans. Deux des filles de l’ancêtre Jacques Archambault, Marie et Marie-Anne, se sont en effet mariées à 12 ans. Anne et Jacquette n’avaient que 16 ans à leur mariage. Pour ce qui est d’Anne, mariée au bigame Michel Chauvin, elle était sûrement séduisante, puisqu’elle se remaria à Jean Gervaise. Celui-ci la préféra à 12 des Filles du roi, arrivées avec lui à bord du même navire, avec la recrue de 1653. Dans un autre cas, Jacquette Toureau, sœur de Françoise, épouse de l’ancêtre Jacques Archambault, était sans doute ravissante, car elle se maria une deuxième fois en 1654 à un célibataire endurci, Maurice Arrivé, maître maçon, qui n’a pu résister à ses charmes. À Trois-Rivières, en 1654, le mariage de Jean Aubuchon et Marguerite Sédilot, futurs beaux-parents de Jacques Archambault, petit-fils de l’ancêtre, fut annulé, car Marguerite n’avait que 11 ans. Le mariage fut réhabilité à Montréal en 1655.
Au sujet des mariages des jeunes en Nouvelle-France, le baron de La Hontan écrit : « Ce qui fait qu’on se marie facilement en ce pays-là, écrit-il, c’est la difficulté de pouvoir converser avec les personnes de l’autre sexe. Il faut se déclarer aux pères et aux mères au bout de quatre visites qu’on fait à leurs filles. Il faut parler de mariage ou cesser tout commerce, sinon la médisance attaque les uns et les autres comme il faut. On ne saurait voir les femmes sans qu’on en parle désavantageusement et qu’on ne traite les maris de commodes. » De plus, le curé surveille habituellement les fréquentations de ses ouailles. Il veille « plus soigneusement à la conduite des filles et des femmes que les pères et les maris.»
Le baron de La Hontan, juge ainsi la Canadienne : « Le sang du Canada est fort beau. Les femmes y sont généralement belles ; les brunes y sont rares; les sages y sont communes. Les paresseuses y sont en assez grand nombre. Elles aiment le luxe au dernier point et c’est à qui mieux prendra les maris au piège. »
Les officiers français diffèrent d’opinion sur la beauté des Canadiennes. Le chevalier Louis-Henri de Baugy explique : « Elles sont d’assez bonne humeur, mais elles ne sont pas trop bien faites. » Le clergé est d’accord sur la question du goût de luxe et de la vanité des femmes. Monseigneur de Laval fustige en 1682 : « De quel crime ne se rendent pas coupables et quelles punitions ne doivent pas attendre celles qui portent cet appareil fastueux jusque dans nos églises, paraissant dans les lieux consacrés à la prière et à la pénitence avec des habits indécents, faisant voir des nudités scandaleuses de bras, d’épaules et de gorges, se contentant de les couvrir de toile transparente, qui ne sert bien souvent qu’à donner plus de lustre à ces nudités honteuses, la tête découverte ou qui n’est couverte que de coiffes transparentes, et les cheveux frisés. (…) Nous défendons très expressément à toutes les filles et femmes de quelque qualité et condition qu’elles soient de s’approcher des sacrements dans les manières indécentes que nous venons de spécifier par notre présent mandement, et à tous les curés de notre diocèse de les y recevoir en cet état. » Monseigneur de Saint-Vallier ordonne à ses curés de refuser l’absolution aux femmes et aux filles « qui portent le sein découvert, lorsqu’elles ont été suffisamment averties du mal qu’il y a dans cette modeste façon de se vêtir. On ne doit pas non plus donner la Sainte Communion, quand elles s’y présentent dans cet état. » Il va même plus loin : « Les confesseurs ne doivent pas absoudre ni entendre les confessions des personnes des péchés desquels ils ont eux-mêmes été participants ou complices.
La beauté des femmes est certes une arme à double tranchant. Dans certaines églises, pour inciter les paroissiens à se montrer plus généreux, des femmes font la quête. Quelques curés acceptent bien la chose, puisque cette coutume existe en France à la même époque ; mais d’autres s’y opposent. Ainsi le curé de Notre-Dame de Montréal, M. Dollier de Casson, répond au marguillier Jean Arnaud qui veut faire quêter quelques dames : « Trop souvent les quêtes se font par des personnes choisies en beauté et en attraits, se faisant conduire par des écuyers, se parant ce jour-là d’une façon extraordinaire, donnant des assignations aux jeunes messieurs, disant : tel jour, je serai quêteuse de la paroisse, ne manquez pas d’y venir, et d’y faire honneur à ma quête. Même des personnes connues pour scandaleuses sont commises pour de telles quêtes à la vergogne de l’église. »
« Craignant toutes ces choses et en ayant déjà vu ici de petits échantillons, on a doucement exclu les femmes et les filles de la quête paroissiale, sachant que cela faisait faire bien plus de péchés mortels, que cela n’y amassait d’argent[1]. »
Ajoutons en complément d’information qu’aucun descendant de Jacques Archambault n’épousa une Fille du roi.
[1] Jacques Lacoursière et Claude Bouchard, Notre Histoire, Québec-Canada.